LES VILAINS PETITS CANARDS

 

DE BORIS CYRULNIK

 

Ed. Odile Jacob, 2001, 280p.

Maria Callas, «la divine», la voix du siècle s'il ne devait en rester qu'une, fut une petite fille dépérissant de carences affectives dans un dépôt d'enfants immigrés de New York...

Barbara, meurtrie par un viol paternel et persécutée pendant la guerre, a su chanter sa vie et chacun la fredonne...

Georges Brassens, mauvais garçon, dut à son professeur de troisième la découverte de la poésie qui donna une autre issue à sa révolte...

Ces cas de résilience sont célèbres. Mais Boris Cyrulnik décrit ici ce que pourrait être chacun d'entre nous. Il nous montre comment ce processus se met en place dès la petite enfance, avec le tricotage des liens affectifs puis l'expression des émotions.

 

Boris Cyrulnik est aussi l'auteur, aux Éditions Odile Jacob, des Nourritures affectives, de L'Ensorcellement du monde et d'Un merveilleux malheur.

Très clair sans être simpliste, documenté, vivant, fourmillant d'anecdotes et d'idées souvent à contre courant des idées paresseusement véhiculées sur le traumatisme et ses conséquences.

Véritable Manuel de paedo psychiatrie et de psychothérapie (de l'enfant, pour commencer). Généreux, mais lucide et singulièrement bien informé (au besoin sur place : au Kosovo…p 196).Dans un choix forcément réducteur dans cet ouvrage exceptionnellement riche de faits et d'idées, notre obédience Eyienne nous a fait choisir cette déclaration(p222) :

«Il y a longtemps que le problème a été clairement énoncé. Dés 1934, S.Ferenczi parlait de « commotion psychique » afin de souligner le premier temps du traumatisme : le coup, le vide ou l'altération qui ébranle un organisme. Mais pour transformer un coup en traumatisme, il faut une deuxième agression qui, elle, se passe dans la représentation du coup. Or, pour « résilier » un traumatisme, il faut le dissoudre dans la relation et l'incorporer dans la mémoire organique. C'est grâce au travail du rêve biologique et verbal que cette « résilience » est possible, en constituant un traît d'union entre la relation verbale et l'incorporation neurologique »

Organodynamiste à sa manière Boris ? Sans doutequi enchaîne (p 249) : « Il est donc recevable qu'un enfant maltraité ou traumatisé garde des traces dans sa mémoire. Mais elles sont de nature différente de celle des souvenirs dont il fait des récits. La trace dépend des informations qu'il reçoit de son milieu, alors que le récit dépend des relations qu'il établit avec son entourage. La trace est une empreinte biologique, le récit est une conscience partagée »

Et comme, par principe, on ne peut pas brider les feed-backs, la « spirale interactionnelle »(p70), qu'il faut « raisonner en termes de systèmes circulaires et non clos »(p77) et quand, de surcroît et par tempérament, on est porté comme Boris à tirer les conséquences pratiques de ses observations, on en vient à ces conclusions d'extrême bon sens auxquelles on ne peut que souscrire sans réserve(p263) : « Il conviendra d'agir sur tous les moments de la catastrophe : le moment politique pour lutter contre les crimes de guerre, le moment philosophique pour critiquer les théories qui les préparent, le moment technique pour réparer les blessures et le moment résilient pour reprendre le cours de l'existence » (p263).

Merci Boris de nous avoir rappelé à nos devoirs : ils sont tellement nombreux que nous risquions bien d'en oublier.

RMP