Résumés

Aux quatre coins du monde

 Traversée transculturelle

 

Robert-Michel Palem (Perpignan, France) : Introduction

 

Henri Ey (Bonneval, France) : Qu'est-ce que la psychiatrie? qu'est-ce qu'une maladie mentale?

Résumé : L'auteur s'interroge une fois de plus, sur ce qu'est la psychiatrie, science des maladies mentales : formes de dés-organisation de l'homme (à quoi correspond son ontologie proprement anthropologique) ; l'être psychique de homme étant lutte contre le non-être-avec-les-autres et la folie celle de certains hommes seulement. La reconnaissance du fait psychiatrique est contemporaine d'un certain humanisme et d'un certain libéralisme, que Ey voit pointer à la Renaissance. Il souligne ses divergences profondes avec M. Foucault.

Carlos Carbonell-Masia (Madrid, Espagne): Dimension internationale d'Henri Ey. Influence en Espagne.

Résumé : L'auteur évoque le Symposium historique de 1955, à Madrid, en hommage à E.Bleuler et en anticipation du Congrès Mondial de Psychiatrie de Zurich, en 1957, auquel participèrent toutes les sommités psychiatriques du moment pour débattre de la Schizophrénie. Henri Ey fit une de ses meilleures synthèses sur le sujet, dans sa perspective organodynamique et en espagnol.

Revisitant le concept de Bouffée délirante polymorphe de Magnan et Legrain (1886), Ey refuse le diagnostic de schizophrénie aigue et s'applique à distinguer de la schizophrénie et des crises de maniaco-dépressive un groupe de psychoses délirantes et hallucinatoires aigues avec leurs caractéristiques propres.

Kenichi Takemasa (Kyorin, Tokyo, Président de l'Association amicale Henri Ey du Japon) : Evolution historique de la psychiatrie au Japon.

Résumé : L'auteur retrace les différentes influences sur la médecine japonaise, à travers l'histoire, des médecines chinoise (depuis le VIIIème siècle) puis hollandaise (au XVIIIème siècle). Il décrit les efforts de la médecine japonaise pour se libérer de la médecine chinoise, efforts récompensés à l'ère Meiji où les médecins psychiatres japonais voyagent en Europe, d'où ils ramènent les conceptions et classifications nosographiques allemandes. Cette influence de la psychiatrie européenne demeure actuelle, même si l'influence nord-américaine tend à la supplanter depuis 1945. Il termine son exposé par une explication des techniques psychothérapiques japonaises : le Naïkan et la thérapie de Morita.

Toshiro Fujimoto (Miyazaki, Japon) : L'Organodynamisme et la psychiatrie japonaise. Henri Ey et Haruo Akimoto.

Résumé : Pour l'auteur paradoxalement, l'antipsychiatrie japonaise contient un certain nombre de dimensions de l'Organodynamisme de H.Ey ou neojacksonisme ; jacksonisme dont Akimoto se fit le défenseur au Japon, à peu prés en même temps que Ey en France. Les relations entre Ey et les psychiatres japonais (Otoya Miyagi) sont anciennes (1939) et attestées par les archives.

Les caractéristiques originales de l'antipsychiatrie japonaise sont passées en revue. L'influence du bouddhisme Zen sur la culture et la psychiatrie japonaises est soulignée et un rapprochement opéré entre Thomas d'Aquin et Dogen.

Norman Simms (Hamilton, Nouvelle Zélande) : Psychanalyse, Psychohistoire, histoire des Mentalités.

Résumé : Si l' École des Annales a ouvert une nouvelle voie, malgré son fort ancrage dans la théorie économique marxiste, un examen général de la littérature européenne et anglo-saxonne traitant de la place des phénomèmes socio-culturels dans le développement historique montre une divergence marquée entre le courant dit de la " psychohistoire" et celui de l' " histoire des mentalités ". Rien ne justifie, pourtant, cette dichotomie. Certaines idées empruntées aux représentations non dogmatiques de la psychanalyse pourraient servir à la synthèse des deux orientations dans l'élaboration d'une "psychogenèse", au sens d'un engendrement phénomènal de l'histoire des groupes et des individus.

Othon Bastos (Recife, Brésil) : Phénoménologie des troubles de l'identité du Moi. Quelques caractéristiques culturelles brésiliennes.

Résumé : L'auteur évoque d'abord diverses conceptions de la conscience en psychiatrie, ainsi que les quatre caractéristiques formelles de la conscience du moi et ses principales altérations pathologiques ; puis, suivant le niveau d'expression névrotique, psychotique ou délirant. L'étude de Milton Rokeach sur les " Trois Christs d'Ypsilanti " et son expérience avec des patients délirants sont évoquées, ainsi que les observations de Raniero Lavalle sur le cas du moine Tito.

Enfin, l'auteur attire l'attention sur la rareté ou même l'inexistence de cas de personnalités multiples ou alternantes dans le milieu brésilien dans le contexte des états dissociatifs hystériques. Il propose une explication du phénoméne à partir des expériences de possession et de transe médiumnique dans les religions d'inspiration umbando-kardeciste, ainsi que dans les pratiques évangéliques de l'église pentecotiste et dans les rituels catholiques d'orientation charismatique

Humberto Casarotti (Montevideo, Uruguay) : Psychiatrie médico-légale: analyse des expertises de Henri Ey.

Résumé : L'expertise n'est pas un dévoiement de la psychiatrie mais, bien menée, renforce au contraire l'identité et la nécessité de la psychiatrie, soutient Humberto Casarotti dans un travail considérable. Le concept original de " psychogenèse " selon Ey ne conduit pas, comme d'autres plus popularisés, à une irresponsabilité généralisée mais accorde une importance non négligeable à la personne en tant qu'agent. Les actes les plus monstrueux n'impliquent pas nécessairement qu'il y ait derrière une pathologie mentale réelle et Skodol confirmera (en 1998) que dans le domaine de la criminologie la plupart des cas de pathologie mentale sont de type mineur. Le contact avec un grand nombre d'expertisés qui correspondent à des personnes souvent mentalement saines contraint le psychiatre à réviser ses prémisses anthropologiques et construire des modèles plus adéquats que ceux de la classique nosologie psychiatrique. Celui de H.Ey (à partir de ses œuvres maîtresses et ici de l'étude magistrale de 558 de ses expertises par H.Casarotti) est minutieusement exposé et illustré.

Hector Peréz-Rincón (México, Mexique) et Jean Garrabé (Paris, France) : La nonne enseigne: une transexuelle au XVIIèm siècle?

Résumé : Seule femme " conquistadora ", " transexuelle " d'avant la médicalisation des conduites sexuelles, Dona Catalina de Erauso, la " Monja Alférez " obtint tardivement du Pâpe Urbain VIII (1626) ce que seul celui-ci pouvait lui accorder : le droit de revêtir l'apparence de l'homme dont elle sentait l'âme habiter son corps. Sa vie, extraordinairement aventureuse, fut un exemple de liberté farouche (conquise souvent au fil de l'épée !) envers les contraintes imposées à son sexe, en une époque considérée comme l'une des plus répressives à l'égard de la femme. C'est cette histoire, publiée à Paris en 1830 et rééditée en 1989 au Mexique, que nous rappellent les auteurs.

Louis Panabière (Perpignan, France) : Le mythe mexicain d'Antonin Artaud...

Résumé : Le texte de Louis Panabière (Institut d'Études Mexicaines de l'Univ.de Perpignan) retranscrit l'enregistrement d'une conférence donnée à l'occasion de l'exposition des photographies de la Tarahumara de Pedro Tzontémoc à Salon-de-Provence, salle des Gardes du Château de l'Empéri, le vendredi 9 juin 1995.

Il se réfère à la fois au voyage entrepris par Antonin Artaud [Marseille 1896-Ivry 1948] au Mexique, en 1936, qui a motivé l'écriture de son oeuvre Les Tarahumaras, de publication posthume (1955) et à celui que fit, sur les pas d'Artaud, le photographe mexicain Pedro Tzontémoc (Mexico 1964), auteur de Tiempo suspendido (1995).

Eduardo Luis Mahieu (Córdoba, Argentine): Psychiatrie et biologie.

Résumé : Notre collègue, ancien élève de H.Ey aborde les aspects philosophiques et médicaux du sujet Psychiatrie et Biologie, puis retrace l'histoire des idées concernant les rapports entre matière et esprit. Après avoir situé la psychiatrie en tant que science biopsychosociale, il envisage les rapports de la psychanalyse avec la biologie, s'intéressant particulièrement aux écrits de Freud. Il termine en survolant quelques unes des avancées récentes des neurosciences. Il conclut par une proposition de " hiérarchisation " des relations médecine-psychiatrie-psychanalyse et une référence au maître Henri Ey pour définir ce que devrait être le psychiatre idéal.

Sam Sussman (London Ontario, Canada): Histoire de la politique de santé mentale au Canada

Résumé : Dans ce travail, l'auteur retrace l'Histoire de la prise en charge des malades mentaux au Canada, avec ses grandes sagas caritative, administrative, communautaire, qui en ont faít longtemps un " modèle" mondíal d' Assistance. Ceci, jusqu'à ce que l'idéologie de la "désinstitutionnalisation" ne transforme les Hôpitaux psychiatriques en coquille vide et ne rejette les psychotiques " lourds", mal aimés des Services Généraux, dans la rue ou en prison... Les réformes d'intention généreuse du Service de Santé n'ont abouti qu' à la grande misère de la psychiatrie .

Charles Alezrah (Perpignan, France): Un nouveau livre blanc de la psychiatrie française. Conf. Barcelone 2003

Résumé : Le projet d'un nouveau Livre blanc de la psychiatrie française (dans le cadre de la FFP), repose les questions de fond sur la nature même de la discipline, ses perspectives d'évolution, sa place dans la médecine et la société, ses fondements théoriques et éthiques Aux nouvelles pathologies (sujets limites et sujets post-modernes) correspond une nouvelle temporalité du soin : glissement vers une multiplication de réponses ponctuelles, symptomatiques et en urgence. Multiplication des demandes et affolement des réponses : le système est embolisé et saturé. Faut-il rappeler encore une fois, après H.Ey, que la psychiatrie ne peut avoir pour vocation de réparer tous les échecs d'un corps social de plus en plus souvent en recherche de réponses médicales à des questions relevant de son propre dysfonctionnement ?

Robert Michel Palem (Perpignan, France) : La pensée psychiatrique, une ou multiple (conf.au XIXème Congresso Brasileiro de Psiquiatria, Récife, Brésil, 2001)

Résumé : La pensée psychiatrique ne s'élabore pas dans les laboratoires ou les chaires, mais sur le terrain d'une pratique socialisée (publique ou privée) permettant un échange interpersonnel approfondi entre un médecin psychiatre et une personne présentant une souffrance mentale. Robert.M.Palem énumère les quatre " piliers " sur lesquels elle lui semble reposer depuis son individualisation laborieuse.

Est-elle morte avec Henri Ey, en 1977, comme l'a dit A.Green peu de temps après ?… Elle est plus vraisemblablement en train de mourir avec le DSM mettant en cause la validité même du fait psychopathologique ; l' " état zéro de la psychiatrie théorique " (Ch. Poirel).

La pensée psychiatrique pourrait disparaître enfin (c'est une menace, mais aussi une tentation, que Ey n'ignorait pas) par dilution: en voulant s'occuper de tout, ce qui reviendrait vite à ne s'occuper de rien.

 

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